Voilà un article que j’évite soigneusement d’écrire depuis des mois. Parce que Oui, bon, voilà, j’ai écrit un livre. Rien que d’écrire cette phrase est étrange.
En général, quand je le dis (je le dis rarement), je me dépêche d’ajouter « oui, enfin, bon, c’est un livre de droit, hein ! enfin, même pas, c’est de la vulgarisation, hein !! ça ne compte pas vraiment !! ». J’ajoute un petit rire penaud à cette phrase idiote et bien sur, en général, je hausse les épaules.
L’idée vous l’aurez compris, est d’amoindrir la portée de l’événement. Parce que oui, bon, voilà, c’est un événement. Pour moi, en tout cas.
Je ne sais pas si vous aussi, vous faites cela mais j’ai une petite liste des choses que je rêve d’accomplir dans ma vie. Par exemple, je rêvais depuis petite fille de devenir avocat, c’est chose faite. Je rêvais de m’acheter un appartement, c’est chose faite (enfin, comme tout le monde, il est encore à la banque mais c’est en bonne voie…), et aussi, je rêvais d’écrire un livre.
Ne me demandez pas pourquoi, je ne sais pas. Je crois que tous ceux qui aiment la littérature ont quelque part enfoui en eux ce rêve et moi, comme eux, je l’avais.
Alors, attention, dans mon rêve, mon livre c’était un roman, bien sur. Pour les amoureux de la littérature, un livre ne peut être qu’un roman ! Les essais, les biographies, les ouvrages juridiques, tout ça, c’est un truc de petit joueur (pitié, que quelqu’un me dise qu’on lit l’ironie dans ce que j’écris !).
Alors, un livre de DROIT, pire, un livre de vulgarisation juridique, un guide pour les blogueurs !! Est ce que cela compte vraiment ?? Est ce qu’on a même le droit d’appeler cela un livre ???
Je croyais vraiment que mon interrogation était sincère, jusqu’au jour, où j’ai compris.
J’ai compris pourquoi je n’en parlais à personne, j’ai compris pourquoi je persistais à dire à Aude (la responsable qui a porté ce projet au sein de la maison d’édition Eyrolles) et à May (avec qui j’ai écrit ce livre) que je n’y croyais pas vraiment, que quelque chose allait se passer, que quelqu’un allait bien finir par se rendre compte de la bêtise du truc, enfin, MOI, j’écris un livre ???
Et puis, un jour, j’ai compris pourquoi ma réticence, pourquoi mes doutes, et ce n’était pas parce que c’était un livre de droit, pas non plus parce que c’était un ouvrage de vulgarisation, non, tout ça, c’était justement le contraire.
Parce que, je pourrais dire après cela, Oui, Moi, Sandra Azria, j’ai écrit un livre. Il y a mon nom et celui de May sur la couverture. Toutes les deux ensemble, main dans la main, nous avons créé ce petit objet qui sera peut-être lu par deux personnes (enfin, si quelques âmes charitables veulent bien se dévouer pour le lire, je vous avoue que cela me ferait bien plaisir).
Et ce petit objet là va durer. Il restera pour moi un moment important, peut-être même essentiel. Le moment où j’ai osé écrire un livre, où j’ai osé mettre mon nom à côté de celui de May et prendre le risque qu’on me lise, le moment où j’ai accepté ce rêve là se réalise.
A une moindre échelle, je le faisais déjà avec ce blog, avec ces articles. Depuis deux ans maintenant, à un rythme très irrégulier, j’accepte un peu de parler de moi. Alors, c’est comme pour ce livre, mes articles ont toujours un angle professionnel, je ne raconte pas vraiment ma vie personnelle, je ne parle pas vraiment de mes proches. Mais malgré cela, je m’étonne souvent des réactions.
Par exemple, un jour, un client (qui m’a trouvé sur le net grâce à mes articles) a commenté un article dans lequel je parlais des mes locaux, en expliquant avec beaucoup d’intelligence et de finesse, la part de mon enfance qu’il y voyait. Cela m’avait beaucoup troublé (et presque gêné d’ailleurs !), je ne pensais pas qu’on pouvait deviner des choses personnelles de moi dans ces articles. Et depuis, j’ai compris que oui, bien sur, que j’acceptais de livrer des bribes à travers mon métier.
Très récemment, une Ville m’a confié un gros projet pour lequel j’étais mis en concurrence avec d’autres avocats. Jusqu’au bout du processus de sélection qui a duré presque deux mois, je n’y croyais pas trop. Je me disais qu’une Ville choisirait sans doute un cabinet plus prestigieux, plus « sérieux ». Et non, ils m’ont choisi.
A la première réunion de travail, je leur ai demandé comment ils m’avaient trouvé et N. (qui je l’espère me lit ici et que je remercie encore !) m’a répondu que c’était sur le net. Et je vous assure que ma première pensée a été « waouh, ils ont lu mes articles un peu ridicules et MALGRE cela, ils m’ont choisie !! ».
Sauf qu’en réalité, je le sais maintenant (et j’entends souvent la petite voix de May qui me dit « mais non, pas « malgré vos articles », mais « grâce à vos articles »), les clients qui me choisissent le font en connaissance de cause, parce que sans doute ils apprécient mon mode de fonctionnement, et allez osons un peu, peut-être même ma personnalité !
Donc, je vais continuer d’assumer tant bien que mal celle que je suis et dire à quel point je suis fière de ce livre, fière du travail accompli avec May et même si personne ne le lit jamais, il gardera une place de choix dans ma bibliothèque parce que je pourrais dire un jour en pensant à ma liste de rêves « oui, voilà, un jour, j’ai écrit un livre ».
Et au cas où…vous pouvez le trouver aussi ici et là…
La rencontre de deux mondes que j’adore! Vous êtes bien la preuve que le métier d’avocat se réinvente sans cesse! Merci, vous êtes une vraie inspiration.
Félicitations, vraiment, du fond du coeur.